Il est en perpétuelle opposition
Il grandit.
Aux alentours de ses deux ans, l’enfant jouit d’une nouvelle autonomie grâce à son accès inédit au langage et au boom de ses capacités psychologiques et motrices. Il s’affirme : Il est un petit garçon ou une petite fille à part entière qui a ses propres envies. Il a besoin de choisir et de faire « tout seul ». Une phase d’affirmation de soi qui peut durer de quelques jours à quelques mois, selon l’attitude des adultes. Nous pourrions d’ailleurs l’assimiler à une forme de mini-adolescence. Cette nouvelle autonomie tend à surprendre les adultes, parents comme professionnels, voire à les contrarier, les vexer, les offenser. Cet enfant qui, jusqu’à aujourd’hui, les écoutait et respectait (plus ou moins) leurs consignes à la lettre commence à leur dire non, à s’affirmer et à profiter de son nouveau libre-arbitre. Un comportement qui en déconcerte plus d’un : « Ce n’est quand même pas un enfant de 2 ans qui va faire la loi et tenir tête à un adulte de 40 ans ! » marmonnent moult professionnels. Dès lors s’instaure un rapport de force dans lequel nombre d’entre vous tiennent, coûte que coûte, à avoir le dernier mot.
Il ne s’oppose pas, il se différencie.
Naturellement, l’enfant à cet âge cherche à se différencier de l’adulte (et non pas à s’y opposer comme on pourrait le croire). Et contrairement aux apparences, ce n’est pas l’enfant qui impulse véritablement ce rapport de force mais plutôt l’adulte. Avant l’âge de 4 ans, rappelons que le tout-petit n’est pas encore décentré, c’est-à-dire qu’il n’est pas encore en mesure de comprendre que l’autre a un point de vue, des croyances, des besoins différents des siens. En un mot, il est encore littéralement égocentrique. Ainsi, ce que vous prenez à tort pour de la provocation, de la mauvaise volonté ou de l’insolence n’est autre que la manifestation d’un besoin non assouvi à un temps T. Notre adulto-morphisme, à savoir notre tendance à interpréter les comportements des jeunes enfants sur la base de nos propres comportements d’adultes, vous joue des tours et vous met une véritable pression sur les épaules. Trop souvent, nous oublions que le tout-petit a un cerveau tout à fait immature et que ses capacités intellectuelles ne sont pas comparables avec celles des adultes ! Rappelons que le rapport adulte-enfant n’est pas un rapport égal et horizontal, mais un rapport du plus fort au plus faible.
Rien à voir avec un caprice.
Il se peut que l’enfant se mette en colère, crie, pleure, se roule par terre, parce que vous lui refusez quelque chose. De votre point de vue d’adulte, cette réaction est excessive, exagérée. Pas de doute, pour vous c’est un caprice ! Le point de vue de l’enfant est tout à fait différent. Ce qui est, pour vous, anecdotique est, pour lui, un réel drame. A cet âge, un tout-petit n’est pas en capacité de relativiser. A ce moment précis, il traverse alors une véritable tempête émotionnelle. Quand l’un des besoins fondamentaux d’un enfant est non assouvi (besoin d’attention, de sécurité, de calme), son cerveau émotionnel et archaïque est suractivé, tandis que son cerveau frontal, celui qui lui permet de raisonner, de comprendre la situation, est sous-activé. De ce fait, il perd le contrôle de ses émotions et a besoin de l’adulte pour se rassurer, se sécuriser. Notons au passage que le cerveau émotionnel et archaïque de l’enfant domine jusqu’à l’âge de 3/4 ans.
Plus il est fatigué, plus il s’oppose.
Il arrive que l’enfant « contredise » davantage l’adulte en fin d’après-midi lorsqu’il est stressé, épuisé par une journée de crèche longue et stimulante. Il a de plus en plus de difficulté à tolérer la frustration. Son stress s’accumule, ses ressources s’amenuisent. Si bien qu’à un moment, il explose : il se met en colère pour une raison qui va vous paraître insignifiante (vous lui rappelez par exemple qu’il n’a pas le droit de monter sur ce meuble), un peu comme si la goutte d’eau venait de faire déborder le vase. Ce comportement lui permet tout simplement de se décharger de toutes ses tensions accumulées tout au long de sa journée.
Il réagit à votre attitude autoritaire.
L'enfant arrive à un stade de développement où il a besoin d’avoir une certaine marge de manœuvre pour bien s’épanouir. Ainsi, lorsque l’adulte est trop dans le contrôle et émet à son égard des consignes toujours très autoritaires et verticales, l’enfant peut se sentir oppressé, tendu, ce qui va augmenter son niveau de stress et baisser son seuil de tolérance à la frustration. Dès lors, il risque de dérocher et d’entrer dans un phénomène d’opposition.
Comment réagir ?
Restez calme et posé.
Rappelez-vous que le rapport de force est souvent institué par l’adulte qui perd patience face à la réaction déconcertante de l’enfant. Lorsque la moutarde vous monte au nez, tentez de respirer profondément pour retrouver votre calme et vous reconnecter à votre raisonnement. Rappelez-vous qu’il ne fait pas exprès ! Si cela ne fonctionne pas, passez le relais à votre collègue. Votre frustration tend à vous rendre agressif ce qui va, immanquablement cultiver la frustration de votre petit interlocuteur. Vous voilà alors tous deux plongés dans un cercle vicieux ! En maîtrisant vos propres émotions et en recevant avec bienveillance celles de l’enfant, vous lui apprenez, petit à petit, à mieux contrôler ses émotions.
Gardez en tête que toute manifestation d’opposition de sa part, toute colère, exprime chez lui un besoin insatisfait.
Peut-être l’enfant réagit-il à votre attitude, une peur, un manque d’attention, une fatigue croissante. Ainsi, cherchez à anticiper et à agir sur les causes de sa réaction plutôt que sur ses conséquences. En clair, tentez d’identifier lequel de ses besoins est ici insatisfait.
Proposez-lui régulièrement des câlins ou des temps de jeu individuel !
Le contact bienveillant avec l’adulte permet de libérer en lui de l’ocytocine, une hormone de l’attachement qui a le mérite de diminuer son état de stress et d’augmenter sa sensation de bien-être. Un enfant ressourcé sera plus enclin à vous écouter qu’un enfant tendu et stressé !
Laissez-lui une marge de manœuvre, aussi petite soit-elle, lorsque vous attendez quelque chose de lui.
Votre objectif ? Eviter le rapport de force. Vous pouvez par exemple transformer votre consigne (« va te coucher ! ») sous forme de question : « nous venons de déjeuner. D’après toi, qu’est-ce qu’il se passe maintenant : c’est le moment d’aller jouer dans l’atrium ou d’aller faire la sieste ? ». Pourquoi ne pas également lui laisser une petite liberté de choix : « tu préfères aller te coucher avec ton doudou, avec la photo de tes parents ou les deux en même temps ? ». Il ne s’agit pas de « céder » (car coûte que coûte il ira se coucher), mais de parvenir à votre objectif de manière alternative.
Confiez-lui une mission. Si vous sentez que l’enfant est sur le point de ne pas vous écouter ou de faire l’inverse de ce que vous lui demandez, confiez-lui une mission à sa portée. Par exemple : « Est-ce que tu pourrais apporter à Nathan et Louise leurs doudous sur leur lit ? Ils les ont oubliés ! ». Celle-ci permettra d’occuper son cerveau et qui plus est, de le valoriser, de le responsabiliser. Pour que l’effet soir garanti, n’oubliez surtout pas de l’encourager et de le féliciter quand la mission aura été brillamment effectuée !
Par
Héloïse Junier, psychologue
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